AISS: Interview de son secrétaire général

AISS: Interview de son secrétaire général

05 juin 2020, Bleu Horizon
Marcelo Abi-Ramia Caetano, secrétaire général de l'AISS, l'Association internationale de la sécurité sociale. ― © David Wagnières

M. Abi-Ramia Caetano : « Le besoin de protection sociale sera encore plus élevé qu’auparavant »

 

[INTERVIEW] Nommé en février 2019, le secrétaire général de l’Association internationale de la sécurité sociale (AISS), Marcelo Abi-Ramia Caetano, présente l’institution et ses priorités ainsi que les enjeux auxquels elle est confrontée sur le plan mondial.

 

Lire aussi : Publiée dans Bleu Horizon #13, cette interview du secrétaire général de l’AISS, Marcelo Abi-Ramia Caetano, est complétée par un portrait de l’organisation internationale. Lire le portrait de l'AISS.

 

― « Bleu Horizon » : Quels sont les objectifs prioritaires de l’Association pour les prochaines années ? Un modèle international de sécurité sociale est-il possible ?

Marcelo Abi-Ramia Caetano : L’AISS a défini quatre grandes priorités pour le triennium 2020-2022. La première est d’améliorer la gestion de la sécurité sociale. La deuxième est de faire face au vieillissement des sociétés, qui implique de fournir des prestations et services pendant des périodes plus longues. La troisième est d’étendre la couverture de la sécurité sociale et d’en garantir la viabilité en tenant compte des différences entre régions. Enfin, la quatrième priorité consiste à remédier aux inégalités d’accès à la protection sociale.

Pour ce qui est d’un modèle, le taux de couverture devrait toujours être élevé, les prestations adéquates et le financement viable. Toutefois, la conception et la gestion du système différeront d’un pays à l’autre en fonction des spécificités nationales et régionales.

― Les priorités sont donc différentes selon les régions du monde. quelles sont vos attentes en Europe ?

L’AISS a publié des rapports mondiaux et régionaux sur les dix principaux défis à relever par la sécurité sociale. En Europe, on constate que le vieillissement constitue un enjeu majeur. L’Europe est un continent qui connaît un vieillissement rapide, ce qui signifie que nous devons chercher des moyens de garantir des prestations et des services de qualité pendant une période plus longue. La transformation technologique et l’essor de l’économie numérique sont également des phénomènes importants qui affectent la couverture de la sécurité sociale.

― Et dans les pays en développement ?

Dans les pays en développement, les défis ne sont pas les mêmes : la couverture étant très faible, la priorité est de la développer.

― Sur ces vingt dernières années, quel bilan faites-vous ?

J’en reviens à ma réponse concernant les principaux défis à relever par la sécurité sociale. Pour l’Europe en particulier, la montée en puissance de l’économie numérique, et son impact sur les marchés du travail et la sécurité sociale, est un phénomène particulièrement marquant de ces vingt dernières années. En outre, le vieillissement constant de la population européenne contraint la sécurité sociale à adapter ses prestations et services.

― Investir et développer la sécurité sociale apporte une meilleure vie aux individus. Mais y-a-t-il d’autres bénéfices à ces actions ?

La sécurité sociale a pour mission première d’aider les personnes durant les périodes les plus difficiles de leur vie. Elle fait ainsi reculer la pauvreté et les inégalités dans nos sociétés. Outre qu’elle offre une protection et une sécurité aux individus, la sécurité sociale est un moyen de garantir la cohésion sociale. Elle constitue un pacte entre différentes générations et entre différentes composantes de la population, ce qui est le gage de sociétés plus stables, plus soudées et plus pacifiques.

― Quels sont les pays qui, aujourd’hui, font des progrès remarquables dans l’extension de la couverture de la sécurité sociale?

De manière générale, l’extension et l’amélioration de la couverture sociale progressent dans le monde entier, mais les solutions et approches retenues différeront toujours d’un pays à l’autre. La couverture de la sécurité sociale n’en reste cependant pas moins l’une des principales priorités de l’AISS, qui met à la disposition de ses membres des lignes directrices concrètes pour les aider à optimiser les solutions administratives afin d’étendre la couverture. La valeur ajoutée de l’AISS tient au fait que l’on peut tirer un enseignement des expériences internationales et s’en inspirer.

― Comment voyez-vous le rôle de la sécurité sociale à l’avenir?

La sécurité sociale va jouer un rôle extrêmement important, a fortiori dans un monde où le vieillissement rapide de la population se conjugue à des transformations technologiques non moins rapides et à une mutation des marchés du travail. Dans ce contexte, le besoin de protection sociale sera encore plus élevé qu’auparavant.

La CIEPP, seule institution de prévoyance professionnelle
suisse membre de l’AISS.

 

― L’économie numérique et les technologies de l’information favorisent-elles un développement de la sécurité sociale? Permettent-elles de mieux d’englober toute les formes de relations de travail, répondant notamment mieux à une main d’œuvre de plus en plus mobile?

Nous avons de bonnes chances de mettre au point des politiques efficaces pour affronter les transformations technologiques et renforcer encore la sécurité sociale. L’économie numérique est un phénomène encore relativement nouveau. Nous tirons des enseignements de ses évolutions et de son impact sur les marchés du travail et la sécurité sociale, et nous devrons mettre au point de nouvelles politiques pour exploiter au mieux ces transformations. Par ailleurs, les institutions de sécurité sociale sont de grandes utilisatrices de nouvelles technologies; en adoptant une bonne stratégie, elles peuvent retirer de grands avantages du big data, de l’intelligence artificielle et de la technologie blockchain, par exemple pour renforcer la couverture de la sécurité sociale et améliorer les services offerts à la population.

 


 

 

― Vous êtes Secrétaire général depuis février 2019. Quel est votre rôle? Votre action passe-t-elle par de nombreuses visites sur le terrain auprès des institutions membres?

Durant ma première année à l’AISS, ma priorité a été d’apprendre à connaître nos membres, leurs défis et leurs besoins. Je me suis rendu à un certain nombre de réunions et d’événements. le Forum régional de la sécurité sociale pour l’Europe, qui a eu lieu en Azerbaïdjan, et le Forum mondial de la sécurité sociale, qui s’est tenu en Belgique, m’ont donné l’occasion de rencontrer des collègues du monde entier. L’année 2019 a été très intense et gratifiante, et j’ai été particulièrement heureux de constater que nos institutions membres apprécient beaucoup les produits, les services et les réseaux que fournit l’AISS.

― Les participants au Forum mondial de la sécurité sociale à Bruxelles ont décidé de transmettre la proposition à l’Assemblée générale de l’ONU de faire de la journée du 4 octobre (date de la fondation de l’AISS en 1927) la journée mondiale de la sécurité sociale. Comment accueillez-vous cette initiative ?

C’est une initiative très positive, que nous devons aux membres français de l’AISS. L’un des principaux objectifs de l’AISS est de promouvoir la sécurité sociale dans le monde, et pouvoir célébrer une journée mondiale de la sécurité sociale, reconnue par les Nations Unies, constituerait un excellent moyen de le faire. A cela s’ajoute que la date choisie est très spéciale pour nous, le 4 octobre étant en effet le jour de la fondation de l’AISS en 1927.

 

― L’AISS ne compte qu’une demi-douzaine de membres en Suisse, dont une seule institution de prévoyance professionnelle, la CIEPP. Comment construire des ponts entre l’AISS et les caisses de pension suisses ?

Les caisses de pension constituent l’une des principales branches de la sécurité sociale, non seulement en Suisse, mais aussi en Europe. Nous proposons des produits et des services et disposons d’un réseau mondial dans ce domaine, qui présente un réel intérêt pour les institutions de sécurité sociale suisses. Nous mettons actuellement l’accent sur des thématiques comme le vieillissement des sociétés et la transformation numérique, et nous serions ravis que les institutions suisses soient encore plus nombreuses à participer à ce travail.

― Genève est le siège du Secrétariat général de l’AISS. Quel est le rôle de ce canton et son poids dans la structure de l’AISS?

Genève est la capitale mondiale des organisations internationales, il est donc primordial d’y avoir notre siège, car cela nous permet de constituer un réseau sans équivalent avec d’autres organisations internationales. La proximité avec ces organisations rend notre travail international encore plus efficace, ce qui est positif pour nos membres.

 

Lire aussi : Portrait de l’AISS

 

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