Bio Saveurs et MagicTomato: Le local, c'est tendance !

Bio Saveurs et MagicTomato: Le local, c'est tendance !

25 septembre 2020, Bleu Horizon
Bleu Horizon #14 - Septembre 2020 | Georges Vuillod, à la tête de Bio Saveurs, et Paul Charmillot, fondateur de la plateforme en ligne MagicTomato. - © David Wagnières

Le local, c'est tendance !

 

[PORTRAITS] La crise sanitaire a amplifié l'engouement des Genevois pour les produits locaux frais et bio. Rencontre avec deux de ses acteurs: Georges Vuillod, à la tête de l'entreprise Bio Saveurs, et Paul Charmillod, fondateur de la plateforme en ligne MagicTomato.

Par Christine Esseiva

« Notre ambition est de proposer des produits de qualité tout en respectant les critères environnementaux et sociaux. » Georges Vuillod

L’aventure bio

Maraîcher de pleine terre à Bardonnex, Georges Vuillod représente la troisième génération à la tête de l’entreprise PAV SA. Entrepreneur dans l’âme, observant les modes de consommation comme il le fait avec la nature, il décide de se lancer dans l’aventure bio en 2009 en créant Bio Saveurs sur le domaine de son cousin Pierre Thabuis et avec lui. La prise de risque est réelle à cette époque. Qu’à cela ne tienne ! L’audace entrepreneuriale et l’expérience de la terre paient, son choix fait consensus et les résultats sont là. La crise sanitaire a même amplifié l’engouement des Genevois pour les produits locaux frais et bio, mais pour combien de temps encore ? Rencontre.

« Quand nous nous sommes lancés dans le bio, nous avons dû réapprendre notre métier », explique Georges Vuillod, à la tête de l’entreprise Bio Saveurs. « C’est une approche différente du conventionnel. » Producteur de pleine terre, son métier, comme celui de ses parents et de ses grands-parents, a toujours été de cultiver des légumes racines : des carottes, du chou, du céleri et tant d’autres. Dès 1964, ses parents ont orienté l’entreprise vers la transformation des légumes crus prêts à l’emploi. S’en est suivie, comme une suite logique de ses activités, l’intégration de la transformation de produits cuits (soupes, jus, sauces), puis l’élargissement au bio.

L’évidence bio

C’est dans les années 2000 que l’entrepreneur s’intéresse au bio. La prise de risques est importante, la technologie manque, les savoirs-faire ne sont pas encore éprouvés et les rendements incertains. Convaincu que cette voie a du sens, il se lance quand même en 2009 en créant Bio Saveurs.

L’envie de faire du bio juste parce que la tendance est là et que le marché est porteur ne font pas tout, il faut aussi l’état d’esprit. « Notre ambition est de proposer des produits de qualité tout en respectant les critères environnementaux et sociaux. » Cette vision, le patron l’applique aussi envers ses collaborateurs. À chaque situation, il tente de trouver des solutions pour rendre le travail moins pénible, en intégrant de nouvelles machines par exemple.

En plus de l’audace et du sens éthique, il convient de modifier ses pratiques, car avec la culture biologique, il s’agit d’anticiper des problèmes qui n’existent pas encore. L’apprentissage se fait sur site, pas depuis un bureau, en observant par exemple les durées des levées, en grattant la terre pour voir si des germes de mauvaises herbes n’y sont pas présents. Si la politique de prix plus élevés pour le bio couvre parfois la prise de risques, ce n’est pas toujours le cas.

Une idée en germe

Avant de se lancer dans le bio, l’esprit était déjà en germe. Ainsi, dès les années 1960, à l’activité de maraîcher s’est ajoutée la préparation de produits de 4e gamme tels que des salades déjà lavées, coupées, emballées ou des légumes taillés à destination des grandes surfaces ou de la restauration collective et privée. Le panel de production s’est étoffé au fur et à mesure, notamment avec des soupes prêtes à l’emploi distribuées par l’IMAD, par exemple. L’idée sous-jacente était de valoriser les produits hors calibre, qu’ils soient trop gros ou trop petits, et de leur trouver une utilisation. Une fois encore, l’observation des modes de consommation et de vie a aidé et a permis d’utiliser 100% des productions en éliminant quasiment les déchets alimentaires.

Toutes ces activités de transformation sont également effectuées pour le compte de l’Union maraîchère de Genève (UMG), dont Georges Vuillod est un des membres et un des administrateurs. À partir des excédents de la coopérative, des sauces, des jus de tomates et des soupes de légumes sont cuisinés dans les ateliers. Il s’agit d’une saine organisation entre producteurs pour arriver à une utilisation optimale de chacun des produits sans gaspillage. Ce sont 80% des produits qui sont distribués au travers des grandes surfaces, de la restauration collective, d’épiceries, de commerces de vente à la ferme ou de grandes structures telles que les HUG. Ces gros volumes réunis grâce à la trentaine de coopérateurs permettent d’investir dans des machines et d’alléger le travail, souvent pénible, des équipes.

Même philosophie du côté des infrastructures. Sur la totalité des bâtiments que compte l’exploitation, 2000 m2 sont recouverts de panneaux photovoltaïques, ce qui permet d’absorber près de 50% de la consommation énergétique du site.

Pour la prévoyance, Georges Vuillod a choisi la CIEPP, car c’est une caisse qui réunit un grand nombre d’entrepreneurs et qui a des résultats solides. Elle tient le cap, même en temps de crise, comme on l’a vu en 2008-2009.

Aujourd’hui, il faut bien reconnaître que cet élargissement au bio est une réussite. L’envie est toujours là de faire encore mieux, pour satisfaire le consommateur, en innovant, en améliorant les conditions de travail des collaborateurs ou en proposant des produits frais à haute valeur ajoutée. La génération suivante aura sans doute des idées pour innover encore et s’adapter aux nouveaux modes de consommation.

Pendant la crise sanitaire, les conditions ont permis une forte hausse de la vente des produits du terroir avec un taux de satisfaction élevé du côté de la clientèle. Mais pour combien de temps encore ? Georges Vuillod veut garder l’espoir que les consommateurs resteront cohérents et sélectifs dans leurs achats quotidiens pour privilégier les produits locaux.

En dates

1935 Charles Burger et son épouse créent l’entreprise

1964 Pierre-André et Jacqueline Vuillod-Burger reprennent l’entreprise

1989 Georges et Philippe Vuillod intègrent l’entreprise

2003 Création de PAV SA

2009 Création de Bio Saveurs Sàrl

En chiffres

2000 m2 de panneaux solaires

PAVSA 28 collaborateurs

Bio Saveurs Sàrl 17 collaborateurs

65 ha de cultures biologiques

2000 tonnes de production

« Une méthodologie a pu être élaborée afin de répliquer le modèle d'écosystème à volonté. » Paul Charmillod

Le marché virtuel local

Un des super-héros de la livraison de produits frais et de saison à Genève se nomme MagicTomato. Outre la promotion des artisans locaux, cette plateforme de vente en ligne a été pensée par son fondateur, Paul Charmillot, pour que d’un bout à l’autre de la chaîne, les aspects environnementaux et sociaux soient valorisés. Récompensé par le Prix suisse de l’éthique 2019 et labellisé B-Corp, ce réseau de distribution alimentaire 2.0 se déploie cette année à Lausanne. Récit d’une aventure entrepreneuriale réussie et 100% locale.

« Ce qui compte pour moi, c’est que faire ses courses ait un impact positif et que les aliments aient du goût et soient de qualité », explique Paul Charmillot. C’est en septembre 2016 que ce trentenaire, actif dans la finance et la haute joaillerie, décide de se consacrer entièrement à la création de sa plateforme de vente en ligne de produits locaux, MagicTomato. D’abord seul à empaqueter et à livrer les produits frais commandés sur le site et fournis la veille par les artisans de la région genevoise, il est aujourd’hui à la tête d’une équipe de 15 collaborateurs. L’idée de MagicTomato lui est venue quand, à la fin de ses journées de travail, il ne trouvait pas de produits locaux et goûteux dans les petits magasins de quartier et autres stations-service ouverts le soir. Trois mois après avoir développé et affiné son idée d’écosystème alimentaire, il se lance dans l’aventure entrepreneuriale, épaulé par la suite par la Fongit. Chemin faisant et profitant sans doute de la tendance, le concept fonctionne et devient viable.

C'est "Magic"

La promesse de MagicTomato est de proposer à la livraison des produits de saison et locaux aux Genevois, le jour même de leur commande si celle-ci est passée avant midi. La livraison se fait soit au domicile, soit au bureau. Dans ce marché virtuel se trouve l’essentiel, à savoir de la viande, du poisson, du fromage préparés par les artisans le jour même, et bien sûr un choix de fruits, légumes et produits secs. Sitôt la commande passée, un employé se charge de remplir le sac avec tous les produits achetés. Pour éviter le gaspillage, il n’y a pas de stock, ni d’emballages excessifs ou de quantité de produits toute faite. Pour tous les autres produits industriels, il suffit d’aller au supermarché.

La plateforme convainc les plus réticents au digital, car l’environnement est convivial, imagé et surtout facile à utiliser. Pour améliorer l’expérience client, il est aussi possible de commander les produits en fonction de telle ou telle recette proposée sur le site. Bien commode quand on est en panne d’idées ! Quant aux prix, ils sont calculés au plus juste. À noter également que MagicTomato livre des box de fruits hebdomadaires dans de nombreuses PME de la région.

Des aliments, mais pas que

Le génie de MagicTomato est d’être un des acteurs de l’hyperlocal tout en utilisant des outils du monde globalisé. Mais pas seulement. En effet, pour arriver à cette création de valeur, il a fallu construire un réseau d’artisans locaux et surtout l’écosystème qui l’accompagne, c’est-à-dire une plateforme digitale qui permet d’automatiser les flux d’information et la gestion des commandes en étant ergonomique du côté utilisateur. De cette première expérience réussie à Genève, une méthodologie a pu être élaborée afin de répliquer le modèle d’écosystème à volonté. C’est ainsi qu’en mars dernier MagicTomato a fêté l’ouverture d’un second marché virtuel, à Lausanne cette fois. D’autres projets sont en gestation, car dans l’esprit MagicTomato, les produits ne doivent pas se déplacer, afin de minimiser l’impact sur l'environnement.

Grâce à cette plateforme, les artisans du canton de Genève ont pu bénéficier d’un nouveau réseau de distribution pour leurs produits et surtout gagner en visibilité, MagicTomato n’hésitant pas à les mettre en avant. Aussi, dans leur démarche de numérisation, certains ont même pu être aidés durant les trois mois du semi-confinement par le Département de l’économie du canton de Genève. Pour MagicTomato, pendant la crise sanitaire, le défi a été de maintenir l’acheminement des produits et de répondre à la demande qui a été multipliée par cinq, un record sans précédent!

MagicTomato est affiliée à la CIEPP depuis sa création. Paul Charmillot l’a connue par le biais de la FER Genève. Bien que satisfait des services de la CIEPP, la prévoyance professionnelle est un sujet lointain, car la moyenne d’âge des employés est jeune. Le dirigeant reste néanmoins attentif quant à l’avenir de la prévoyance, surtout si des réformes ne sont pas engagées. Et puis, en tant que chef d’entreprise, il trouverait pertinent que le capital-vieillesse épargné soit davantage investi dans les PME et les start-up de la région.

Durable de A à Z

Dans l’esprit MagicTomato, toute la chaîne de valeur doit être durable et avoir un impact positif. C’est ainsi que, par exemple, le gaspillage alimentaire est éliminé grâce à l’absence de stockage des aliments, tout comme les emballages plastiques, supprimés à 90%. Tous les sacs sont réutilisables et les légumes livrés en vrac. MagicTomato s’occupe aussi de la livraison à domicile dans la journée, gratuite avec un minimum de commande fixé à CHF 60.-. Pour cela, l’entreprise possède une flotte de véhicules électriques qui sillonne le canton dans un rayon de 25 km. Au final, le bilan est neutre en carbone. À cela s’ajoute la mise en avant de labels, notamment GRTA (Genève Région-Terre Avenir). Du côté des collaborateurs, l’entreprise veille à avoir une hiérarchie aussi plate et collaborative que possible.

Le résultat de tous ces efforts ? Le Prix suisse de l’éthique obtenu l’année passée et décerné par la Haute École d’Ingénierie et de Gestion du Canton de Vaud (HEIG-VD). MagicTomato a aussi été labellisée B-Corp, car l’entreprise intègre tous les aspects du développement durable dans sa gestion quotidienne.

S’il existe de nombreuses démarches similaires en Suisse ou ailleurs, MagicTomato est la seule plateforme à livrer les produits frais et locaux le jour-même. C’est une des particularités de ce marché virtuel local. Maintenant, il ne vous reste plus qu’à essayer. Vous verrez, ce n’est pas de la poudre de perlimpinpin, c’est tout simplement magique !

Adresses : geneve.magictomato.ch | lausanne.magictomato.ch

EN DATES

2016 Création

2017 Certification B-Corp.

2018 Incubation à la Fongip

2019 Prix suisse de l'éthique

2020 Ouverture de la 2e région « Lausanne-Riviera-Morges »

EN CHIFFRES

+90 artisans

90% d'emballages en plastique en moins

100% de livraisons électriques

 

Lire aussi : cet article a été publié dans le magazine Bleu Horizon #14 - Septembre 2020. Lire le magazine complet.


Photos et illustrations : © DR

 

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