Le taux d’intérêt technique revisité

Le taux d’intérêt technique revisité

04 décembre 2020, Bleu Horizon

Le taux d’intérêt technique revisité

 

[PREVOYANCE] Élément essentiel pour une institution de prévoyance, le taux d’intérêt technique correspond à la performance nette attendue sur le long terme, dans le but de garantir les promesses de rentes futures. Outre les changements intervenus récemment dans la directive qui le définit, la DTA 4, le taux d’intérêt technique a vu son niveau baisser ces dernières années. Explications.

 

Le taux d’intérêt technique est réglementé par la Directive DTA 4 établie par la Chambre suisse des experts en caisses de pensions (CSEP). Elle a été modifiée en avril 2019 et ren­due obligatoire par la CHS-PP, la haute autorité de surveillance des caisses de pensions, en juin 2019. Par conséquent, depuis les boucle­ments au 31 décembre 2019, c’est donc la nouvelle DTA 4 qui est en force. Pour résumer, elle intègre le calcul d’une borne supérieure pour la recommandation du taux à la place d’un taux d’intérêt technique de référence, ainsi qu’une procé­dure en cas de dépassement de la recommandation de l’expert. Elle introduit également une périodicité de l’examen de l’adéquation du taux d’intérêt technique à l’occasion de l’expertise actuarielle.

Cette nouvelle directive a plusieurs effets et notamment ceux de mieux correspondre à la réalité structurelle et financière de chaque institution de prévoyance, ainsi que de renforcer le rôle de l’expert

 

Qu’est-ce qu’un taux d’intérêt technique ?

Le taux d’intérêt technique ou TIT est le taux d’escompte qui permet de cal­culer les capitaux de prévoyance des bénéficiaires de rente ainsi que les provisions y afférentes. Souvent non mentionné, il sert également à dé­finir les primes de risques (décès et invalidité). Pour résumer, il s’agit de la performance nette attendue à long terme avec une marge de sécurité. Ou dit autrement : d’évaluer la valeur actuelle des paiements futurs.

Le système du 2e pilier est un système de capitalisation. Durant la phase de constitution, année après année, la caisse doit verser l’intérêt minimum LPP (1 %) sur les avoirs de vieillesse minimum LPP ou un inté­rêt supérieur, si elle en a la capacité financière. Lorsqu’un assuré atteint l’âge de la retraite et qu’il opte pour une prestation de vieillesse sous forme de rente, la caisse de pension, afin de remplir ses engagements qui consistent à lui verser à vie une rente de retraite, constitue le montant né­cessaire à l’appui de ses statistiques (tables actuarielles) et de l’intérêt qu’elle doit pouvoir verser dans le futur. Cet intérêt est le taux d’intérêt technique. Le paramètre le plus dis­cuté et connu est le taux de conver­sion, qui est déterminé en partie par le taux d’intérêt technique.

 

Qui décide du taux d’intérêt technique ?

Conformément à l’article 51a, ali­néa 2e de la LPP, le Conseil de fondation (si la forme juridique de l’institution est une fondation) est l’organe suprême de l’institution de prévoyance. Il décide seul du taux d’intérêt technique, à l’appui des re­commandations qui lui sont formu­lées par son expert, de concert avec les limites fixées par la CSEP en ver­tu de la DTA 4. Ses objectifs premiers sont de maintenir l’équilibre finan­cier de la caisse sur le long terme et de couvrir ses engagements futurs pris auprès des assurés au moment de leur affiliation.

 

Comment l’organe suprême arrête-t-il le taux d’intérêt technique ?

Comme mentionné précédemment, il s’appuie sur les recommanda­tions effectuées par l’expert en pré­voyance professionnelle. La DTA 4 fixe le cadre. Sans être exhaustifs, des éléments tels que le degré de couverture, la capacité d’assainis­sement de la caisse de pension, l’évolution future de sa structure et de ses effectifs constatée et pré­vue peuvent influencer la décision. S’ajoute un élément déterminant : la performance attendue à long terme, en considérant une marge de sécurité. Généralement, plu­sieurs calculs sont effectués (par un expert, par un conseiller financier externe, par un gérant interne, etc.) afin d’avoir une « réalité » commune. Seront aussi considérés les impacts à court, moyen et long termes de l’éventuelle décision arrêtée (élé­ments qui pourront être appréciés dans une expertise actuarielle dyna­mique en caisse ouverte).

 

 

Pourquoi ce taux ne cesse-t-il pas de baisser ?

Ce taux baisse car les performances attendues sur les marchés baissent. À cela s’ajoutent les normes en vi­gueur (DTA 4 ancienne et nouvelle versions), qui ont un impact sur la détermination du taux d’intérêt tech­nique. En effet, pour déterminer le taux d’intérêt technique de réfé­rence, une part importante des obli­gations suisses de la Confédération à dix ans est prise en compte (nous n’allons pas détailler ici les formules précises). Dans ce domaine aussi, depuis des années, les taux d’intérêt baissent, avec des valeurs proches de zéro ou négatives.

La baisse du taux d’intérêt tech­nique est également liée au fait que beaucoup de caisses de pension ne veulent plus assumer les risques (évidemment maîtrisés en fonction de leur capacité au risque) qui, nor­malement, leur incombent.

Pour l’anecdote, il est intéres­sant de souligner qu’une disparité existe entre les caisses de pension romandes et alémaniques. Les pre­mières sont plus optimistes que les secondes. D’aucuns parlent volon­tiers de différences culturelles dans l’appréciation des risques.

 

Une caisse de pension avec un taux d’intérêt technique très bas est-elle mieux protégée ?

Oui et non. Pour se positionner, il convient de considérer l’ensemble des données (structure de l’institu­tion par exemple). Spontanément, on aurait tendance à dire qu’un taux d’intérêt technique bas protège mieux la caisse. Ce n’est pourtant pas forcément le cas. En effet, une institution de prévoyance avec un taux technique très bas devrait moins avoir de besoins de performance dans le futur pour assurer ses rentes. Toutefois, si elle doit appliquer un taux de conversion de 6,8 % (actuelle­ment en vigueur sur le minimum LPP et qui s’appuie sur un taux technique d’environ 4,5%), l’institution devra constituer des montants très élevés lors de la mise à la retraite… donc beaucoup tout de suite pour moins par la suite (voir illustration). Dès lors, sera-t-elle mieux protégée ?

Comme on peut le constater, tout est relié : la performance attendue, le niveau des prestations, le finance­ment, etc. La solution se trouve dans le besoin de performance (en com­plément lire l’article paru dans Bleu Horizon n°11 – Septembre 2019) cal­culé d’après les paramètres actua­riels retenus et l’évolution de l’insti­tution à court, moyen et long termes.

 

Et la CIEPP dans tout ça ?

À l’heure actuelle, la CIEPP applique un taux technique de 3% et provi­sionne depuis quatre ans une baisse à 2 %. De manière implicite, cela cor­respond à un taux d’intérêt technique de 2,43 %. Le Conseil de fondation, à l’appui d’une expertise actuarielle et des recommandations de l’expert, effectuera une analyse complète et précise. Il arrêtera le taux d’intérêt technique que la caisse souhaite ap­pliquer dès le bouclement 2020.

 

Lire aussi : cet article a été publié dans le magazine Bleu Horizon #15 - Décembre 2020. Lire le magazine complet

 


Photos, illustrations : © DR

 

 

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