Qu'est-ce qu'une expertise actuarielle ?
[GOUVERNANCE] Une institution de prévoyance doit pouvoir garantir ses engagements vis-à-vis de ses assurés et de ses pensionnés en tout temps. Le législateur s’en assure par différentes mesures. L’une d’elles consiste à demander aux caisses de pension de réaliser périodiquement une expertise actuarielle. Cette analyse est effectuée par l’expert de l’institution de prévoyance. Le contenu minimal de l’expertise est régi par des directives, toutefois il peut sensiblement diverger en fonction de la nature de l’institution, selon qu’il s’agit d’une fondation collective avec une multitude d’œuvres de prévoyance, d’une fondation commune, d’une fondation d’assurance mais aussi de sa taille, de sa situation démographique, de sa situation financière par exemple. Outre un diagnostic, l’expertise actuarielle peut en dire long sur les besoins de financement sur le long terme de la caisse. Explications.
Toutes les caisses de pension ont l’obligation de désigner un organe de révision ainsi qu’un expert en matière de prévoyance professionnelle. L’article 52a de la loi sur la prévoyance professionnelle (LPP) le stipule expressément. Une fois mandaté par l’organe suprême de l’institution, l’expert va procéder aux tâches qui lui incombent et notamment à l’expertise actuarielle.
Le choix de l’expert
L’expert en prévoyance professionnelle mandaté par l’institution de prévoyance pour réaliser une expertise actuarielle n’est pas choisi au hasard. Il doit être agréé par la Commission de haute surveillance de la prévoyance professionnelle (CHS PP). L’art. 52d LPP définit de manière non exhaustive les conditions de son agrément. Les éventuels conflits d’intérêts sont également analysés.
Ses tâches sont aussi clairement définies par l’art. 52e de la LPP. Il doit vérifier que l’institution de prévoyance offre en tout temps la garantie qu’elle peut remplir ses engagements et que les dispositions réglementaires de nature actuarielle et relatives aux prestations et au financement sont conformes aux prescriptions légales.
Quel est le but d’une expertise actuarielle ?
Il est de vérifier périodiquement si le financement d’une institution de prévoyance permet de garantir son équilibre financier à court, moyen et long terme. En résumé, il s’agit d’avoir une vision du passif du bilan (les engagements) et de son évolution pour déterminer le financement nécessaire et s’assurer de pouvoir l’obtenir à travers les produits de la caisse (essentiellement en provenance des cotisations des employeurs ainsi que des assurés et des performances financières, fruit de la stratégie d’investissement). Il ne faut pas l’oublier, le passif du bilan détermine beaucoup de choses et notamment la cible à atteindre en termes de performance, et pas l’inverse !
« Le passif du bilan détermine notamment la cible à atteindre en termes de performance, et pas l’inverse ! »
Pour réaliser son travail, l’expert se basera sur de nombreuses données transmises par l’administration de la caisse de prévoyance : les données des assurés actifs, des pensionnés, des nouveaux pensionnés de l’année, les prestations réglementaires assurées, etc. L’analyse comporte diverses vérifications comme par exemple : est-ce que le montant des cotisations est suffisant pour couvrir les prestations ? Les bases techniques sont-elles adaptées à la situation de la caisse ? Est-ce que le taux technique est conforme ? Les provisions techniques sont-elles justifiées ? Le financement courant est-il assuré ? Les dispositions réglementaires sont-elles en adéquation avec les dispositions légales ?
A l’appui des résultats obtenus, l’expert de l’institution établira ses constations et transmettra ses éventuelles recommandations à l’organe suprême de l’institution de prévoyance. Par exemple, s’il constate qu’un financement en lien avec les prestations peut être insuffisant, il pourrait demander la constitution d’une provision. Pour l’organe suprême, il s’agit d’un processus essentiel qui permet d’avoir une vision très précise de la situation de l’institution et des tendances futures. Une expertise actuarielle peut également être exigée dans des situations particulières comme par exemple lorsque la caisse de pension est en situation de sous-couverture (c’est-à-dire avec un degré de couverture inférieur à 100%).
« Il s’agit d’un processus essentiel qui permet d’avoir une vision très précise de la situation de l’institution et des tendances futures. »
Comment prévoir le futur ?
Pour garantir l’équilibre de la caisse à court, moyen et long terme, il s’agit de procéder à des projections, basées sur différents paramètres. L’analyse peut être effectuée à l’appui de l’effectif existant et le faire évoluer dans le temps (bilan caisse fermé). Il est aussi possible d’intégrer dans les modèles de calcul des mouvements d’effectif (avec des entrées et des sorties dans le temps), des montants de libre passage, un âge moyen, etc. L’objectif est d’obtenir des projections aussi réalistes que possible. Les statistiques de la caisse de pension permettent également d’avoir des métriques.
A la CIEPP
La CIEPP réalise une expertise actuarielle tous les trois ans. La dernière a été réalisée en 2020. Les calculs sont effectués sur une période de 5 à 20 ans. Il s’agit d’un document structurant qui permet d’évaluer le besoin de financement et indirectement de performance, les besoins de cotisations, etc. Au-delà des calculs usuels, l’objectif de la CIEPP est également d’évaluer la sensibilité de la caisse à différents paramètres : que se passe-t-il si le taux d’intérêt attribué sur les comptes des assurés varie de 0,5%, si la prévision de croissance est inférieure à celle attendue, si la forme de la prestation de retraite est versée de manière plus importante en rente que les attentes. Impossible de tous les citer, car les critères évalués sont nombreux.
Certains paramètres techniques évalués concordent avec les objectifs stratégiques de l’institution, ce qui permet d’avoir une cohérence d’ensemble et contribue à donner du sens au pilotage de l’institution, ceci dans une vision long terme. En résumé, l’expertise actuarielle permet de connaître les incidences à court, moyen et long terme de différents paramètres, de sorte qu’il est donc possible, dans une certaine mesure, de maîtriser le futur et de savoir quelles actions entreprendre pour y répondre.
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- Cet article a été publié dans Bleu Horizon #16 - mars 2021
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