Un engagement global

Un engagement global

15 juin 2021, Bleu Horizon
Bleu Horizon #17-Juin 2021 | Un engagement global ― © DR

 

Un engagement global

 

[GOUVERNANCE] Dans l’exercice de sa mission, à savoir offrir à long terme les meilleures prestations de prévoyance professionnelle à des conditions optimales, la CIEPP endosse des responsabilités sociales et environnementales au niveau de sa gouvernance, de sa politique d’investissements et dans ses actes quotidiens. En tant qu’investisseur responsable, la CIEPP agit sur quatre axes : l’analyse de ses investissements au regard des critères ESG (environnementaux, sociaux et de bonne gouvernance), le vote lors des assemblées générales et le dialogue avec les entreprises dont elle est actionnaire pour influencer leurs orientations stratégiques et les mesures concrètes que celles-ci adoptent en fonction des critères ESG. En ce qui concerne ses investissements dans l’immobilier, la CIEPP prend des mesures énergétiques et sociales dans ses projets de construction et de rénovation. Tour d’horizon sous l’angle des investissements mobiliers.

 

La responsabilité sociale est l’engagement que prend durablement une entreprise quant à sa gestion des impacts sociaux, environnementaux et économiques. Dans ce contexte, les critères ESG s’efforcent de mesurer la durabilité de leur secteur d’activité, c’est-à-dire la capacité à répondre aux besoins actuels sans compromettre ceux des générations à venir.

Avec le fond Achillea, la CIEPP pourra exercer ses droits de vote sur 70% de son portefeuille d'actions.

 

Aujourd’hui, les institutions de prévoyance intègrent ces exigences sur une base volontaire, le législateur n’étant pas intervenu sur le sujet. Il faut reconnaître que celui-ci, en particulier pour la question environnementale, ne repose pas encore sur des métriques homogènes et unanimement reconnues par le monde de la finance. Néanmoins, la responsabilité fiduciaire des institutions les incite de plus en plus à tenir compte, dans la gestion des actifs de leurs assurés et de leurs pensionnés, des aspects environnementaux, sociaux et de gouvernance. Elles s’unissent d’ailleurs à travers des pools pour exercer cet engagement et déployer leur politique ESG.

 

Vers une réglementation

Le défi est de taille et la thématique complexe dès lors que les choix qui en découlent ne sont pas binaires. Une mesure environnementale trop radicale, par exemple l’obligation d’exclure au sein du portefeuille d’une caisse de pension un titre jugé trop émetteur de CO2, aura des effets brutaux sur les emplois et sur la société. La question ESG flirte aussi avec les valeurs et les réalités de chacun d’entre nous. Cela étant dit, les choses avancent. Ainsi, une norme européenne appelée « taxonomie » a vu récemment le jour. Celle-ci définit les domaines et conditions à respecter pour qu’un investissement soit considéré comme durable. Même si cette norme ne s’applique pas directement en Suisse, elle permet de se faire une opinion plus explicite sur la durabilité des investissements. En Suisse, de nombreuses institutions financières réalisent volontairement des écobilans de leur portefeuille en coordination avec les normes internationales les plus éprouvées. En 2020, le Conseil fédéral a adopté un rapport et des lignes directrices sur le développement durable dans le secteur financier.

La CIEPP a participé de manière volontaire aux deux tests Pacta (voir encadré), celui de 2017 en tant que pilote ainsi que celui de 2020. Il en ressort que, globalement, l’exposition des portefeuilles de la CIEPP se situe dans une fourchette haute, comparée à d’autres institutions de prévoyance ayant participé à ces mesures (à relever que 106 caisses de pension représentent environ 7 % des institutions de prévoyance suisses).

Le rapport Patca 2020 relève toutefois que « l’alignement d’un portefeuille financier sur des objectifs climatiques n’assure pas une réduction des émissions. La réduction effective des émissions peut être fonction de facteurs indépendants des décisions d’investissement. L’engagement est une option à explorer pour améliorer la situation et l’impact. Des recherches académiques sont en cours pour analyser le lien entre des initiatives climatiques au niveau des marchés financiers et leur impact sur la réduction effective des émissions. » L’engagement est l’action privilégiée par la CIEPP pour notamment contribuer à réduire les émissions de CO2.

Parallèlement à cette étude, la commission mobilière de la CIEPP effectue, depuis 2017, une analyse des risques ESG en passant en revue toutes ses positions en actions. En fonction des critères de durabilité et des priorités fixées, la CIEPP oriente le dialogue au travers de son partenaire Ethos, notamment à l’intention des entreprises sujettes à controverse.

 

Dialoguer et encourager le changement

Depuis 2011, la CIEPP fait partie du consortium Ethos Engagement Pool Suisse (EEP Suisse) de la Fondation Ethos. Elle a participé en 2016 à la création, avec d’autres caisses de pension, à l’Ethos Engagement Pool International (EEP International). L’action de ces groupements d’actionnaires est nécessaire. La CIEPP aurait en effet des difficultés à engager seule le dialogue en direct avec les nombreuses entreprises détenues dans son portefeuille. La taille de ces pools (EEP Suisse = CHF 250 milliards de francs et EEP International = CHF 190 milliards de francs) permet en outre d’influencer plus fortement les stratégies des entreprises sur les sujets ESG. Les expériences menées au travers de l’EEP Suisse et de l’EEP International le montrent : engager le dialogue avec les sociétés à travers des actions concertées et voter lors des assemblées générales permettent à la CIEPP d’exercer sa responsabilité d’actionnaire et d’influencer de manière significative le positionnement ESG des entreprises.

 

De la parole aux actes

Parmi les exemples concrets de l’engagement international dans le domaine climatique, il convient de mentionner l’initiative Climate Action 100+ à laquelle participe la CIEPP au travers d’un groupement international d’actionnaires d’une ampleur inédite (plus de 500 investisseurs représentant plus de 54 trillions de dollars). Le dialogue avec les conseils d’administration des principales entreprises émettrices de gaz à effet de serre a conduit à des engagements d’atteindre zéro émission de CO2 d’ici à 2050.

En Suisse, la CIEPP a pris une part décisive à de nombreux échanges opérés par Ethos avec les conseils d’administration des deux plus grandes sociétés émettrices de CO2. Celles-ci ont ainsi accepté de soumettre de manière volontaire leur stratégie climatique à un vote consultatif.

La CIEPP s’est également mobilisée sur le critère social de l’ESG. C’est ainsi qu’elle a soutenu, au travers de l’EEP International, la Workforce Disclosure Initiative, avec l’objectif d’accroître la transparence en matière de gestion du capital humain. Le groupement a également participé à des actions contre l’exploitation des travailleurs migrants dans les Émirats arabes unis et contre le travail forcé dans les chaînes d’approvisionnement des entreprises européennes du secteur technologique.

 

Convaincre et engager

L’exercice des droits de vote est aussi un moyen pour la CIEPP d’orienter la politique ESG des entreprises dont elle est actionnaire. En 2020, la CIEPP a exercé ses droits de vote sur 164 sociétés suisses. Au total, elle a statué sur plus de 3264 résolutions et 18 % des objets en votation ont été refusés. Ils se réfèrent principalement aux rémunérations des instances dirigeantes et à l’élection des membres du conseil d’administration et de comités ad hoc (voir le rapport complet sur l’exercice des droits de vote lors des assemblées générales des sociétés suisses sur le site internet de la CIEPP).

La CIEPP exerce également sa responsabilité d’actionnaire sur la majorité des actions européennes qu’elle détient en direct. Le vote à l’international a été renforcé cette année grâce à la création du fonds Achillea, entièrement dédié à la CIEPP, contenant toutes ses actions nord-américaines. D’une taille de 900 millions de francs, il s’agit de son plus important véhicule de placement. Avec le fonds Achillea, la CIEPP pourra exercer ses droits de vote sur 70 % de son portefeuille d’actions.

 

 

Écobilan Pacta

La Suisse a signé l’Accord de Paris sur le climat en 2015. Afin de s’assurer de la compatibilité climatique des portefeuilles détenus par les établissements financiers suisses (caisses de pension, d’assurances, banques et gestionnaires d’actifs) avec les objectifs climatiques de ces accords, l’Office fédéral de l’environnement (OFEV), en collaboration avec le Secrétariat d’État aux questions financières internationales (SFI), a donné la possibilité à toutes les caisses de pension de faire vérifier à titre volontaire leurs portefeuilles d’actions et d’obligations. En 2017, un test pilote basé sur la méthodologie open source Pacta (Paris Agreement Capital Transition Assessment) a été lancé. Un second test a été réalisé et publié en décembre 2020. Ce dernier a enregistré une augmentation du nombre de participations en Suisse (179 institutions financières, dont 106 caisses de pension, 24 compagnies d’assurances et 31 banques). Il intégrait, auprès des actions cotées et des obligations d’entreprise déjà couvertes par le premier test, des portefeuilles immobiliers et hypothécaires suisses (voir Test Pacta 2020, Compatibilité climatique du marché financier suisse). En participant à ce test, les institutions financières reçoivent une évaluation de l’empreinte carbone de leurs investissements.

 

Lire aussi :

- Cet article a été publié dans Bleu Horizon #17 - juin 2021

 

 

Ces articles pourraient également vous intéresser :

- Grand entretien avec Blaise Matthey

- Réforme LPP 21: transformer l'essai